Rupture brutale de relations commerciales nées d’un contrat administratif : compétence exclusive du juge administratif

Rupture brutale de relations commerciales nées d’un contrat administratif : compétence exclusive du juge administratif

Par une décision en date du 19 mai 2021, la Cour de cassation déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître un litige relatif à la résiliation unilatérale d’un marché public.  

En l’espèce, la société X, exerçant en matière de conseil en organisation et en management d’entreprises, a réalisé diverses prestations pour le compte d’un établissement public à caractère industriel et commercial (ci-après « l’EPIC »).

Estimant avoir subi un préjudice du fait de la rupture brutale de ses relations commerciales avec l’EPIC et de pratiques anticoncurrentielles, la société X a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir la condamnation de l’EPIC.

La personne publique contractante a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative, qui a été écartée.

Cependant, saisi par la Cour de cassation, le Tribunal des conflits, par arrêt du 8 février 2021 (n°4201), s’est prononcé sur la compétence juridictionnelle s’appliquant au litige en ces termes :

« Le contrat qui liait l’établissement public SNCF réseau et la société Entropia-conseil était régi par les stipulations du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles du groupe SNCF prévoyant, notamment, au bénéfice de la personne publique contractante, la possibilité de résilier unilatéralement le contrat. Comportant ainsi des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, ce contrat passé entre une personne publique et une personne privée est un contrat administratif.

La demande de la société Entropia-conseil, qui tend à obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la rupture brutale de la relation antérieurement établie entre elle et SNCF réseau, est relative à la cessation de la relation contractuelle résultant de ce contrat administratif, alors même que la société se prévaut des dispositions du 5° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, désormais reprises en substance à l’article L. 442-1 du même code et que, dès lors, le litige ressortit à la compétence de la juridiction administrative ».

Le Tribunal des conflits relevait ainsi que le contrat litigieux est régi par le CCAG applicable aux marchés de prestations intellectuelles de la personne publique en question, lequel contient des clauses exorbitantes telles que la faculté pour l’EPIC de résilier unilatéralement le contrat.

Etant un contrat administratif, le Tribunal des conflits considère ainsi que le juge administratif est seul compétent et ce malgré l’invocation des dispositions du code de commerce relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies.

Prenant acte de cette décision et de l’article 11 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits selon lequel les décisions du Tribunal s’imposent à toutes les juridictions judiciaires et administratives, la Cour déclare l’ordre judiciaire incompétent.  

En conséquence, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris et renvoie les parties à mieux se pourvoir.

Cass. 1ère civ., 19 mai 2021, 19-21.955, Publié au Bulletin